…ou comment trouver des alternatives au « coussin de la colère »…

Focus sur le « coussin de la colère »

Devant les crises de colère d’un jeune enfant, on évoque souvent l’utilisation d’un « coussin de la colère ». Le principe est de permettre à l’enfant de décharger sa colère en tapant, mordant, jetant le coussin, ce qui évite qu’il ne le fasse sur sa fratrie, ses parents ou ses copains.

Seulement voilà, si cette méthode est efficace à court terme pour l’entourage (qui se fait moins agresser), il en est autrement à long terme pour l’enfant concerné…

Je vous explique pourquoi :

1) L’utilisation du coussin apporte de la CONFUSION SUR LES INTERDITS :

« Tu n’as pas le droit de taper ton frère, tape plutôt sur le coussin, ça te fera du bien ». Cette confusion est valable pour d’autres règles paradoxales : « tu n’as pas le droit de jeter tes jouets, va plutôt jeter des cailloux dans le jardin pour te défouler », ou encore « tu n’as pas le droit de déchirer tes livres, déchires plutôt ces vieux magasines »

Vous vous doutez bien que pour un tout jeune enfant, ces limites ne sont pas très claires. Il n’a pas le droit, mais il a quand même le droit…

Non seulement l’enfant reste dépendant de l’adulte (lui seul valide ce que l’enfant peut taper/jeter/déchirer), mais si, en plus, on considère que la mission de l’adulte est d’apprendre à l’enfant à intégrer les codes sociaux acceptables, il n’y a alors aucune raison de lui enseigner à taper/jeter/déchirer…

2) Taper/crier/mordre un coussin AUGMENTE LA COLÈRE de l’enfant en la nourrissant :

L’agressivité est un terreau fertile pour la colère. Au lieu de décharger sa colère, il est probable que l’enfant l’entretienne, voire la renforce en agissant ainsi. La crise dure alors beaucoup plus longtemps et quand l’enfant se calme enfin, ce n’est pas parce qu’il est serein, mais parce qu’il est épuisé.

3) L’utilisation du coussin donne a l’enfant de MAUVAISES INFORMATIONS quant à la régulation de la colère :

L’utilisation systématique du coussin fait croire à l’enfant que :

« être en colère » = « taper » ou « mordre » !

Or l’enfant peut parfaitement ressentir d’autres impulsions qu’une décharge d’agressivité (par exemple : pleurer, s’éloigner, se boucher les oreilles…). Et il devrait avoir accès à d’autres moyens, plus adaptés à ses besoins et plus efficaces pour faire redescendre son niveau de tension.

4) L’utilisation du coussin est RESTREINTE à certains lieux.

L’enfant a-t-il systématiquement son coussin à disposition quand vous êtes au supermarché ? Dans la voiture ? Quand il est au parc ? A l’école ? La réponse est non ! Or nous savons que les émotions surgissent n’importe quand sans prévenir.

Et l’enfant a besoin d’apprendre à être autonome dans la régulation de ses tempêtes émotionnelles, où qu’il soit !


Alors comment faire pour aider l’enfant à réguler ses crises de colères ?

Et bien, comme pour tout, c’est un apprentissage ! Et cet apprentissage est de la responsabilité de l’adulte, qui guide l’enfant sur le chemin de l’autonomie. Je vous livre ici quelques outils que j’utilise en thérapie :

1) Règle de base : la régulation de la colère ne s’apprend pas au moment où l’on est en colère !

Si la colère domine, le cerveau n’est plus en capacité de réfléchir. Donc la gestion émotionnelle se travaille avec l’enfant lorsque celui-ci est calme et disponible (« lorsque tu es en colère, tu peux faire ça et ça pour aller mieux »), et se réajuste après une crise de colère lorsque l’enfant est redevenu calme (« tu étais très en colère, qu’as-tu fait pour aller mieux, de quoi auras-tu besoin la prochaine fois… ? »)

2) L’enfant doit apprendre à identifier sa colère :

  • A partir d’images, ou de discussion : « Quelles sont les situations qui te mettent en colère ? Qui te sont désagréables ? »
  • A partir des ressentis corporels : « dessine sur cette silhouette ce que ça te fait dans ton corps quand tu te fais gronder, quand les choses ne se passent pas comme tu le voudrais… »

« Voilà, maintenant tu sais que quand tu commences à ressentir ces choses-là dans ton corps, c’est que la colère est en train d’arriver. Ne la laisse pas prendre toute la place »

3) L’enfant doit pouvoir évaluer l’intensité de sa colère et le niveau d’aide dont il a besoin :

Est-ce une petite ou une grosse colère ?

  • Si c’est une petite ou une moyenne colère, l’enfant va apprendre à la contrôler tout seul. Voir ci-dessous au §4
  • Si c’est une grosse colère, il doit savoir comment appeler l’adulte à l’aide avant de se laisser totalement déborder. Exemple : convenir que si l’enfant se met à crier ou à jeter le « thermomètre de la colère », c’est que la colère est trop intense et que c’est l’adulte qui va l’apaiser. Vous pouvez alors serrer fort l’enfant dans vos bras pour le rassurer, tout en demandant à la colère de partir. Vous pouvez emmener l’enfant à l’extérieur ou dans un espace « refuge » un peu à l’écart et l’autoriser à pleurer ou avoir des gestes désordonnés.

Évidemment, l’objectif est que l’enfant parvienne peu à peu à ne plus dépasser le niveau « moyen » de la colère.

Outil offert par le site teteamodeler.fr

4) L’enfant peut s’entraîner à utiliser des techniques de régulation, qu’il aura à sa disposition en cas de petite ou moyenne colère :

Vous pouvez lui apprendre à détourner son attention de la source de colère, à centrer son attention sur autre chose (un autre ressenti corporel agréable). Plusieurs techniques existent selon le caractère et les besoins de l’enfant. A vous de lui présenter ce qui est possible et à lui de choisir ce qui lui convient le mieux :

L’éloignement

S’éloigner en marchant, courir dans le jardin, s’isoler si besoin avec un casque anti-bruit, utiliser un coin-refuge/une cabane

Les sensations

Se concentrer sur de la musique, boire un verre d’eau lentement (ou avec une paille), mettre les mains sous l’eau, s’enrouler dans un tissu/une couverture (= retrouver une unité interne et apaiser la sensation d’explosion)

Le mouvement

Serrer son doudou dans ses bras, gribouiller sur une feuille, malaxer une balle anti-stress, écraser de la pâte à modeler. L’enfant plus grand peut apprendre à respirer en cohérence cardiaque, souffler comme s’il voulait faire vaciller la flamme d’une bougie sans l’éteindre…

Après avoir listé et testé avec l’enfant tout ce qui pourrait lui être utile en cas de colère modérée, il vous suffira de lui rappeler les moyens dont il dispose pour gérer sa colère dès qu’il en ressent les premiers signes. Voici des idées de « roue des choix » ou de « cartes de solutions » :

Outils offerts par papapositive.fr

5) L’enfant a besoin de comprendre les raisons de sa colère

La colère a une mission : rappeler avec force un besoin qui n’a pas été respecté !

Lorsque le calme est revenu, vous pouvez verbaliser avec l’enfant ce qui s’est passé et réfléchir avec lui : « quelle était la mission de ta colère ? Qu’est-ce que ta colère est venue te dire ? Avec quoi n’étais-tu pas d’accord ? De quoi aurais-tu eu besoin pour qu’il n’y ait pas de colère ? » L’enfant va peu à peu apprendre à verbaliser ses besoins profonds.

Exemple : « je ne veux pas qu’on ne touche pas à mes affaires » « j’avais besoin d’être tranquille » « tu m’avais dit oui pour le dessin animé et on est rentré trop tard », etc.

Vous pouvez utiliser une « roue des besoins » qui facilite vraiment cette prise de conscience des besoins, c’est à dire comment passer de l’impulsivité émotionnelle à l’anticipation et l’expression des besoins.

Roue conçue et distribuée par l’Autrement Dit

La colère est une émotion utile, elle a sa raison d’être, elle nous permet de nous affirmer en tant qu’individu à part entière. Il s’agit juste d’apprendre à la réguler pour ne pas la laisser nous envahir et prendre toute la place. La gestion autonome des émotions est une des clés essentielles des relations sociales apaisées